Al CASEY (USA)

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Juste quelques lignes pour parler d’un cédé remarquable sorti en 1995 et qui nous permet de retrouver le sympathique Al Casey. Nous avions déjà évoqué sa carrière dans les numéros 46 et 47 de G & D.

1995 a été une année faste pour Al Casey. D’abord Bear Family lui a consacré un « best of », partagé entre des séances solo et des sessions derrière d’autres artistes. Ensuite Ace a mis sur le marché l’intégrale de sa période Stacy, 1961/63 en l’intitulant Jivin Around. Etonnant quand on voit que son plus grand succès, Surfin Hootenany occupe la première plage de ce cédé. Enfin en avril Al Casey propose le magnifique Sidewinder, comme un hommage aux amoureux de belles guitares.

Sa pochette s’orne d’une tête de Gibson L5 contre laquelle se love un serpent à sonnettes! Futé non?…

Car aux USA la sidewinder désigne un serpent à sonnettes et cette tête de Gibson a été surnommée, tête de serpent! Pourquoi? Et bien parce que cette partie qui termine le manche à une base plus large que son extrémité. Elle a un aspect effilé. Cette forme est plus marquée sur les modèles L4 de 1924. En outre les modèles L5 mis sur le marché en 1923 ont constitué une révolution. En effet c’est la première fois que des ouies en ‘f’ remplacent les classiques bouches en ‘O’ ou en ovale.

Cette guitare représentée par Sidewinder porte la mention « custom ». On peut supposer qu’elle a été fabriquée en suivant les recommandations d’Al Casey? Les exemples ne manquent pas d’instruments « customisés » comme on dit, qui sont personnalisés ou portent la signature d’un musicien célèbre. Parce qu’un tel a proposé ici qu’on allonge le manche, que là on modifie la disposition des frettes; qu’un autre a suggéré la pose de touches de nacre, qu’un autre encore a souhaité l’incrustation d’une rosace dorée sur tel modèle, etc…Loin de répondre à des considérations acoustiques ces transformations sont souvent d’ordre esthétique. Etonnant de la part de musiciens qui sont par définition plus soucieux de technique et de performances. Ainsi Gibson produisit le modèle « Barney Kessel » dont les repères sur le manche avaient la forme de nœuds papillons! Et il y a aussi le modèle Johnny Smith (Walk Don’t run) reconnaissable à sa belle table blonde et ses accessoires en plaqué or! A partir de 1964 chez Burns quel qu’un proposa la « tête parchemin « (une forme enroulée) n’est ce par M. Marvin.

Mais revenons au sujet du jour. Sur Sidewinder les guitares utilisées par Al Casey sont nombreuses. Après la Gibson L5 on trouve une Guild F 50, une Martin D 37K( à cordes d’acier), une Ovation Balladeer(dont il n’existe que cent exemplaires)! On dirait que l’emphase a été mise sur des guitares acoustiques à caisse ample, de celles qui arrondissent et soutiennent le son, lui donnent du volume. Mais une place est réservée aux électriques: Telecaster et Stratocaster de Fender, Starfire de Guild à douze cordes!..du boulot donc (et du plaisir)en perspective pour les lecteurs qui aiment identifier les sonorités. Parmi les invités on note la présence de musiciens de renom comme David Grisman(banjo, mandoline) et Glenn Campbell(guitares). Plus que d’invités nous parlerons de copains tellement on ressent à leur écoute les sentiments de chaleureuse amitié qui les rassemblent et qu’ils cherchent à nous communiquer. Cela est palpable sur Limehouse Blues, Saguaro Sun, Plectrum Banjo Medley, dans lequel on reconnaîtra Hey Mister Banjo! Derrière la vélocité du jeu, l’application, le métier, on reçoit des sensations chaleureuses et nostalgiques. Et puis Al Casey a encore fait appel à un ami, le versatile Lee Hazlewood qui chante de sa vox nonchalante et râpeuse, You Came A Long Way From Saint Louis et surtout The Fool. Ce titre vaut sa rasade de Bourbon et mérite sa page d’histoire.

Voilà nous sommes en 1958 et Lee Hazlewood anime une radio où il s’enhardit à passer les chansons très allusives d’Hank Ballard. Puis il se marie avec Naomi Schackleford qui vient de composer le bluesy The Fool. Peut être dédié à son dingue de mari? Lee Hazlewood pense tenir un succès avec cette chanson mais il n’a pas l’interprète adéquat. C’est alors que l’amical Casey lui suggère un pote du nom de Sanford Clark. Une séance est prestement mise sur pied avec Al Casey à la guitare Lee aux manettes. Résultat, sanford Clark modeste chanteur de Phoenix se retrouve propulsé sur la scène nationale et son disque (London HLD 8320) passe sur toutes les radios. Quarante ans après nous ne sommes pas surpris de voir nos deux compères, Al et Lee reprendre cette chanson qui scella leur amitié.

Alors que The Fool connaît l’ivresse des »charts », Lee et Naomi ont un bébé pour lequel ils s’empressent de recruter un baby sitter. Ils en découvrent un en la personne d’un jeune homme timide qui gratte un peu la guitare et qui n’est autre que DUANE EDDY… On connaît la suite. L’énorme succès de ce dernier, piloté par Lee hazlewood et basé sur une technique originale, le « twang ». En résumé l’accent mis sur l’emploi majeur des cordes basses. A la vérité c’est un truc que Lee avait observé chez un musicien de studio nommé Al Casey! Qui lui même le tenait de musiciens noirs. Mais le génial Casey s’il était un excellent guitariste n’avait pas le physique requis pour mener une carrière devant un public. Cependant en 1964, Lee ayant perdu de vue Duane Eddy, renoue avec Al Casey. Et ça tombe bien car il a composé une petite chose à la mode « surf » qui s’appelle Surfin Hootenanny. Banco! Tous les ingrédients d’une production Hazlewwod/Eddy sont réunis(« twang »et écho gigantesque) et c’est Al Casey qui tient le manche. Démontrant par-là qu’on pouvait le considérer comme l’initiateur de ce style. Comment résister à ces vagues de staccatos grondants et à ces « girls » peu farouches à en croire leurs avenants Came on, came on…

Le disque arrive chez nous sous la référence Philips434818, et sous une pochette représentant un incongru saxophone! Surfin Hootenanny(les guitares jouent par J.Hallyday accompagné par Joey et les Showmen) est couplé avec Doin’it-Monte Carlo et Easy Picking, un morceau guilleret interprété au banjo. Ces titres sont repris sur le cédé Jivin Around (Ace CDCHD 612).

En 1958 Al Casey et Lee Hazlewood se revoient en studio avec Jody Reynolds pour enregistrer Endless Sleep. Ici encore une séance historique. Endless Sleep s’inscrit dans le courant de ces « death songs » maudites bannies par les radios. Elle nous rappelle le cas de « Tell Laura I Love Her » de Ray Peterson, reprise par John Leyton ou Johnny Remember Me de Geoff Godard pour John Leyton. Aussi la maison de disque de Jody Reynolds lui demande d’atténuer la morbidité de son texte, de faire en sorte que ce sommeil éternel soit le plus léger possible. Ces contraintes n’ayant plus cours, c’est la version non censurée que l’on entends sur Sidewinder; joliment accompagné par Al Casey qui joue ici sur une National Resophonic. Les caisses de ces guitares possédaient une coquille ventrue et métallique, percée de nombreuses ouies. Ce dispositif avait pour fonction d’amplifier le son. Ces guitares avaient l’aspect de drôles de passoires, mais elles rendaient un son diabolique.

Sidewinder se veut le morceau phare de ce cédé. Et quel morceau! De son propre aveu Al Casey l’a composé en pensant aux westerns spaghettis! Un peu dans la veine des scores de Ennio Morricone. Le son est puissant, troublant, la mélodie conquérante, l’atmosphère sent la poudre, soulignée par des salves de caisses claires. Cette mélodie évoque des images: un canyon, des cactus, le soleil ardent, le sable chaud où à l’évidence rampent d’affreux serpents! Dans la deuxième partie s’élève une délicieuse plainte de saxophone, alors qu’une flûte aride pousse sa mélopée. Pour un peu on s’attendrait à voir débouler Clint Eastwood! C’est Brad Bauder qui est au saxo celui là même qu’on entend sur les enregistrements Stacy des sixties. La beauté de cette composition suffit à justifier l’achat du cédé. Et encore on n’a pas parlé du titre suivant, Askohan Farewell. Apparemment tiré d’un générique d’une dramatique télévisée, ce morceau offre de merveilleux trémolos de banjo appuyés par d’insistants roulements de caisse clair. Et on allait oublier de parler de Route #1, une compo de Duane Eddy revisitée sur un mode country & western très enjoué. Guitare solo assurée par Glenn Campbell alors que al Casey se coltine une steel guitare. Quel talent et quelle variété de styles. Cette production soignée s’enrichit d’un livret contenant une « mini story » et de photos prises lors des séances. Le tout imprimé sur un papier glacé reproduisant en filigrane…une peau de serpent! Quand on pense au prix du gaz qui vient d’ augmenter, on ne regrettera pas l’achat de ce cédé dont la musique réchauffe le cœur et les chaumières.



P.S. Au risque d’être surnommés les Boileau & Narcejac du Rock Instru, apportons une précision : c’est Jean Bachèlerie qui a résolu l’énigme des Fantômes, en reconnaissant les Golden Strings derrière « les Mercenaires de l’Amour ».


John MAC ELHONE

Discographie (60)

  1. Sidewinder (Bear Family Rec BCD 15889AH)
    Undecided / You came a long way from Saint Louis (voc) / Sidewinder / Ashokan Farewell / Endless Sleep (voc) / Limehouse Blues / Saguaro Sunrise / Route .#1 / Plectrum Banjo Medley (Hey M. Banjo,Bye Bye Blues,Alabama Jubilee,The world is waiting for the sunrise) (voc) / The fool (voc).
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