Jean Tosan

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Le souffle du swing, l’homme-orchestre de Johnny Hallyday (1961-1969)

Jean Tosan, l’homme de l’ombre, le musicien et arrangeur écouté de Johnny Hallyday de de la décennie 60. Jean et son épouse Simone sont les témoins, et acteurs des années swing aux années rock. Jean Tosan est un jazzman, précurseur méconnu, chercheur d’une voie nouvelle.

Jean est né en 1932 à Antibes. Sa mère Andréa est une poétesse Antiboise, son père Joseph né dans une famille d’Horticulteur, dans cette région riche, où se pratique des cultures diversifiées : plantes aromatiques des fleurs pour les parfumeries, ainsi que les fruits et légumes. Joseph est le vendeur et gestionnaire de l’entreprise.

Avec Andréa ils ont trois fils :

Francis l’aîné né en 1926 après avoir fait la guerre d’Indochine, il rentra à dans SNECMA (industrie aéronautique), et termina sa carrière comme officier mécanicien sur le Concorde.
Pierre né en 1929 résistant, puis militaire en Indochine, mutilé de guerre, chef de cabinet du maire d’Antibes, et Jean Le benjamin.

musique et BD1935 -1944 Toulouse

Joseph Tosan et sa famille quittent Antibes pour Toulouse en 1935. Joseph reprend une affaire familiale à Toulouse. Son beau-frère, Jaime « James » Febrer, vivait et travaillait à Toulouse où il dirigeait deux affaires une épicerie fine et un commerce de grossiste en fruits et primeurs place Arnaud Bernard. James Febrer cède son épicerie fine à Joseph Tosan au milieu des années trente.

Jaime Febrer était propriétaire du château de Nougueyris. Descendant d’une grande famille noble espagnole, Il possédait un vaste domaine produisant fruits, légumes et vignoble, ainsi qu’une écurie de chevaux de course, qui courraient sur les hippodromes du sud-ouest, notamment à Bordeaux et Toulouse.

A huit ans, Jean découvre les Bandes Dessinées et les achètent dans les kiosques toulousains : au fer à Cheval, St Cyprien, Place du Capitole, Arnaud Bernard. La famille Tosan habitait avenue de Muret pas très loin de là de la maison natale de Claude Nougaro.

En 1942, Jean découvre la musique avec son copain Robert de 3 ans son aîné. Robert est un ami de son frère Pierre, passionné de Jazz ; il dispose déjà d’une discothèque imposante. Robert joue de la clarinette, Jean découvre cet instrument et l’envie de jouer. Avec les copains, ils partagent le goût de la musique des jeunes : le jazz. Robert a découvert le jazz lors de son séjour à Agen, où son grand père propriétaire d’une usine de machines-outils à Toulouse, l’avait envoyé étudier au collège technique. Robert s’était inscrit au Hot Club d’Agen, et avait découvert Louis Armstrong, Hugues Panassié, critique et producteur, cofondateur du Hot Club de France et de Jazz Hot, vivant à Montauban. A 11 ans, Jean, Robert et leurs copains écoutent les orchestres gitans au parc toulousain, vont aux concerts de Charles Trenet, puis de Django Reinhardt, Hubert Rostaing, Stéphane Grappelli.

Formation et recherche – La Côte d’Azur 1944-1961

Jean Tosan – Berlin 1946

En 1944 la famille Tosan regagne le berceau de la famille à Antibes. Jean prend ses premières leçons de clarinette à 12 ans, chez un professeur de musique italien, puis ce sera avec M. Arambourou, clarinettiste prix de Paris, soliste à Cannes, puis avec M. Gosselin, professeur de musique et prix de Paris, à Nice ainsi qu’avec un saxophoniste sorti de l’école de Mule, école française de saxophone, fondée par Marcel Mule. Plus tard Jean Tosan suivra les cours de Fernand Clare, saxophoniste et chef d’orchestre réputé, qui avait fondé une classe de saxophone, pour fignoler la justesse de l’instrument.

Parallèlement en 46-47, Jean Tosan fait des relevés de nombreux disques de Jazz et assimile cette musique : « les soli de Charlie Parker, Lee Konitz, Warren Marsh, Lester Young, Stan Getz… » Jean Tosan est un autodidacte, il a appris le solfège progressivement, en se passionnant pour l’harmonie. A partir de 1950, il écoute passionnément Lester Young, puis le Be Bop Charlie Parker, Stan Getz, Zoot Sims, Woodie Herman. Le Be bop s’accroche aux harmonies fondées sur les quintes diminuées. Il réalise qu’» ils sont prisonniers de l’harmonie et des tempos dans l’improvisation ».

« Je réécoute la musique classique et découvre qu’il y a des changements de tempo au cours d’une œuvre, alors qu’en jazz il n’y a qu’un seul tempo du début à la fin. Les musiciens contemporains ont découvert la musique sérielle d’Arnold Schönberg, fondateur de la seconde école de Vienne avec ses élèves Alban Berg et Anton Weber. Arnold Schönberg (1874-1951) restera dans l’histoire comme l’un des inspirateurs de la musique du XX° siècle. (1)

« En 1958, Je décide de l’adapter au jazz, quand cela marche, cela ouvre de nouvelles voies. Je me suis enfermé pendant 2 ou 3 ans pour travailler l’harmonie et la musique sérielle pour aller le plus loin possible dans l’improvisation au-delà des 5b ou 7° majeur, limites de la musique atonale. A la même époque les jazzmen essayaient de se libérer mais sans règles, c’est l’époque du Free Jazz, qui est sans intérêt réel, pire un appauvrissement musical, il n’apporte aucune ouverture ».

« Avec les copains en 1959, nous essayons cela sur scène au « Storyville » à Nice. Nous remarquons que d’autres Jazzmen Albert Ayler, Éric Dolphy et Ornette Coleman veulent s’évader de l’harmonie. Th. Monk utilise la quinte diminuée dans une tonalité donnée. Nous ajoutons ce que les classiques « contemporains » comme A. Schönberg et l’école de Vienne ont découvert, ils vont plus loin, ils passent à une tonalité à 12 sons ».

Nous sommes conscients que la clé pour faire avancer le jazz, est cette musique à 12 sons. D’autant que vous pouvez revenir à votre point de départ, en frappant un accord de do majeur qui sonne différemment placé dans un univers sonore à 12 sons ».

« Au Storyville nous maîtrisons de mieux en mieux cette découverte, cela marche parfaitement, nous avons un saxo alto/ ténor, une clarinette basse, un saxo soprano, un saxo baryton et à la guitare : Emile Barrani et une rythmique : Charles Pontonne, batterie et Bob Scatena, basse.

A cette musique aléatoire improvisée nous ajoutons des écarts de musique arabe ou espagnole, voire moyenâgeuse…Les changements de tempos continuels, ajoutés à l’apport de chants d’oiseaux avec des instruments appropriés comme le jazzoflute (2). La batterie apparaît comme une percussion libérée, même chose pour la basse, Bob Scatena a à tout moment peut passer d’un tempo à un chant de basse à l’archet, se libérant d’un tempo immuable. Les accords se construisent par regroupement de sons.

Dans le jazz contemporain vers 1955, André Hodeir a pris cette voie mais en restant attaché à la partition écrite. Or seule l’improvisation donne ce supplément de vie. Nous remarquons que le moderne classique, manque de vie, le jazzman moderne manque souvent de technique harmonique avant 1963. André Hodeir a fait progresser le jazz écrit mais n’improvise pas il reste dans le dodécaphonisme écrit.
En analysant, on part des accords do majeur, la mineur, sol, cette harmonie classique, nous la trouvons chez Mozart, puis cela se complique en passant à Debussy, encore plus chez Ravel. Nous atteignons les fondements du jazz moderne. Le passage de Debussy à Ravel et Stravinsky puis Schönberg, c’est le passage au sériel : la seconde école de Vienne.

Le Free Jazz se libère du chemin harmonique, mais au lieu de l’enrichir, il l’appauvrit en jouant un tonal programmé dans une seule tonalité. Le free cache cet appauvrissement grâce à une grande technicité.
La musique contemporaine a poussé le plus loin avec la musique concrète, les bruits, la musique électronique dodécaphonisme, on peut encore pousser, mais on sort de l’humain. L’apport du Jazz grâce aux pulsations dans ces sons-là, apporte le rythme, le swing, il offre une musique vivante, improvisée, il évolue en permanence jusqu’aux années 1960.

Thélonius Monk, Duke Ellington, puis Charlie Mingus avec Eric Dolphy, Lennie Tristano, Lee Konitz, Wayne Marsh et biens d’autres ont avancé, sans toutefois aller jusqu’à la musique de 12 sons hélas !!Stan Getz a renoncé et s’est réfugié dans la Bossa nova. Quincy Jones trompettiste chez Lionel Hampton en 1952, a suivi la même évolution, Miles Davies à la fin de sa vie, avec de jeunes musiciens de Jazz rock. »
Martial Solal est un créateur passionnant, il est doté d’une grande technique, c’est un vrai moderne.

Les années Jazz: 1947 à 1960

Les débuts

Le casino de Sainte Maxime avec l’orchestre Félix Ré 1947, le soir jam session avec Jo Valon, saxo ténor, (Toulon).

Antibes Juan les Pins au Sorrento avec le pianiste Bernard Amoros (futur pianiste de Jacqueline François) et le bassiste Paul Rovere futur bassiste de Petula Clark(3) d’Antibes, le soir Jam sessions à Juan.

Cette année-là Sydney Bechet se marie et les actualités cinématographiques filment l’évènement, Jean Tosan apparaît en gros plan aux actualités!

Les Hot Clubs de Cannes, Nice, toutes les boîtes de la Riviera recevaient les marins américains qui faisaient escale à Villefranche. Chaque mois les musiciens de Jazz se plaçaient dans les boîtes entre Cannes et Monte Carlo. « J’avais ma boîte à Cannes, où j’ai travaillé avec Henri Birrs, Pagani, Gérard Gustin, Pierre Franzino pianistes, Charles Pontonne, Just Tanzi, batterie, Paul Piguilhem, guitariste, les frères Rovere : Paul et Gilbert « bibi » bassiste….

Avec Gérard Gustin, pianiste, Paul Piguilhem, guitariste, et le saxophoniste Robert Pettinelli, venus de Marseille, Pagani, passé à basse nous faisons des bœufs échevelés au Hot Club de Cannes, installé dans les sous-sols du Grand Hôtel, Nicolas Tujkovic, était à la guitare, guitariste le plus doué de sa génération, au plan harmonique, il trouvait les meilleurs accords. Malheureusement son père a jugé le métier de musicien trop risqué et a mis un terme à la vocation musicale de Nicolas.

1951 C’est l’appel sous les drapeaux. Jean Tosan passe l’examen de musique et intègre la musique militaire de Berlin, le 46°Bataillon d’Infanterie qui participe aux défilés de prestige, l’orchestre militaire est dirigé par l’adjudant de musique Bourgeois. « A Berlin au quartier Napoléon, je me retrouve avec le flutiste Bordelais Charlie Hernandez, et le futur organisateur de spectacles de Lille Maurice Montagne, saxo ténor, ainsi que nombre de musiciens « chtimis » qui tous avaient rejoint le 46° BI.

1953 libéré des obligations militaires nous montons un groupe avec deux saxos ténors avec Barney Wilen et le pianiste Pierre Franzino. Pour jouer mes relevés des arrangements d’Al Cohen et Zoot Sims. Puis arrive la période Stan Getz, que je savais jouer avant mon départ à l’armée. A Berlin j’avais fait la connaissance du guitariste américain Jimmy Raney qui travaillait alors dans l’orchestre de Lionel Hampton, Clifford Brown, le trompettiste était au pupitre.

Dans la nuit du 27 au 28 septembre. Jimmy Cleveland et la quasi-totalité de l’orchestre de Lionel Hampton se retrouvent en compagnie des trompettistes Fernand Verstraete, Fred Gérard, des saxophonistes Henry Bernard, Henry Jouot, du contrebassiste Pierre Michelot et du pianiste Henri Renaud pour un nouvel enregistrement « pirate » publié sous le label Vogue comprenait ce qui va devenir un classique du jazz: « I ‘ll remember April », . De retour à New York, Lionel et Gladys Hampton renvoient Clifford Brown de l’orchestre (4). » Nous avions aussi ce morceau à notre répertoire avec Barney Wilen et Franzino en 1953.

Henri Renaud cette année-là était venu à Nice, où nous jouions tous le même répertoire de « cool jazz ». Nous passions au Hot Club avec deux ténors, tous les soirs les musiciens se retrouvaient pour faire le bœuf avec les musiciens Aimé Barelli, Bobby Jaspar, Jay Cameron, Jimmy Gourley et biens d’autres…

1954« Cette belle période passée, la plupart des musiciens sont montés à Paris…j’ai continué à travailler dans les Casinos de la Riviera : Palais de la Méditerranée, Nice, avec Solar Gonçalvès (un brésilien) nous faisant découvrir la bossa nova. Nous faisions les bœufs avec Roger Guérin à la trompette au Casino de Juan les Pins aux cotés de Fred Raoux, Fernand Clare, Fred Gérard.

1955« J’ai alors monté un orchestre de 10 musiciens pour jouer mes relevés de Miles Davies, période Capitol, (48-53). J’avais une affaire à Cannes au Palm Beach. Nous passions toutes les semaines à TMC, Télé Monte Carlo avec l’orchestre El Morocco de Fernand Clare et F. Raoux. En 1956 j’ai composé la chanson du carnaval d’Antibes, pour faire plaisir à mon frère Pierre », qui travaillait au cabinet du maire d’Antibes ».

1957, je suis rentré comme premier alto dans le Big Band de Claude Besset à Aix en Provence, dirigé par l’arrangeur et bassiste, Edmond Kiki Aublette, aux côtés du guitariste Emile Barrani, avec lesquels nous arrivions à jouer un peu notre musique en petite formation avec le batteur marseillais, Edmond Tober .

1958 Parallèlement à l’école de saxophone de Fernand Clare, je travaillais la musique de la seconde école de Vienne, car pour moi c’était la suite logique de l’harmonie moderne du jazz. J’avais mis les doigts sur le cocotier. Cette musique adaptée en Jazz de l’année 50 était très recherchée, bien avant le Free jazz, qui lui est sans structure, une musique assez désordre ! Dans les années 50 Charlie Mingus vient jouer à Juan Les Pins, je fais la connaissance d’Éric Dolphy (saxo alto, clarinette) (5). Nous avons de suite sympathisé, puis sommes devenus amis. Eric était très étonné de voir un blanc aller aussi loin dans la connaissance de la musique. Nous avons joué une partie de la nuit à deux altos, dans une boîte de Nice 10, place du marché, nous avons échangé les ficelles du travail d’improvisateur.

Nous nous sommes revus quelques années plus tard à Paris en 1964, alors qu’il jouait avec Coltrane, Sony Grey, trompettiste, m’avait dit qu’Éric me cherchait. Cela ne marchait pas bien avec John Coltrane l’un jouait les modes, l’autre les sons libérés, leurs styles différents étaient devenus incompatibles. Nous convenons de travailler ensemble. Eric rejoint Coltrane pour les derniers concerts de la tournée à Berlin. Le 28 juin 1964, Eric Dolphy a un malaise sur scène, transporté à l’Hôpital, il ne ressortira pas du coma diabétique dans lequel il est plongé.

Pour Jean Tosan ce décès marque la fin de la recherche d’une voie innovante, la fin de l’espoir de contribuer à l’évolution la musique qu’il aime.

Johnny journal de l’âge d’or

L’âge d’or

1960 « j’ai pris l’affaire du Storyville à Nice, j’ai monté un quintet expérimental avec E. Barrani, à la guitare, Scatena, basse, et Ch. Pontonne, percussions, c’était le délire organisé avec les changements permanents avec les structures sérielles dans le blues : l’espagnol. Ce fut le meilleur moment de ma vie de musicien, nous avions trouvé la voie. Beaucoup de monde est venu nous écouter, comme le peintre Moretti, Fuentes le trombone fait le bœuf avec nous stupéfait de vivre cette musique. J’enchaîne avec le Casino Palm Beach de Cannes et là en 61 je suis débauché par Lee Hallyday à la recherche d’un saxo ténor pour l’orchestre de Johnny, occasion rêvée de monter à Paris ».

Les années Hallyday : des Golden strings à Joey & the Showmen

Puis arrive le Rock and roll, il va tel une tornade tout emporter sur son passage, il devient une musique populaire, les grands labels s’emparent de cette musique ,et en font une belle réussite commerciale, en transformant le rock sauvage et rebelle, en twist, puis yé-yé qui devient une musique sage et conformiste, grâce au matraquage radio et des médias : Salut les copains, la presse pour les jeunes, et la grande presse jusqu’à la presse people.

En août 1961 durant la difficile tournée d’été, avec Johnny je suis arrivé un peu comme un cheveu dans la soupe, l’orchestre était alors les Golden Strings avec Claude Horn, guitare solo, Jean Pierre Martin, rythmique, Antonio Rubio, bassiste venu du jazz, Louis Belloni,(1931-1963) marseillais, meilleur batteur au XIII° tournoi international de jazz , organisé par Jazz Hot à Pleyel en 1950 « le jury estime que sa rythmique est prometteuse » (6) , et Marc Hemmler a déjà avec Johnny le 20 septembre 1960 pour les 3 semaines de Johnny à L’Alhambra

Marc Hemmler :

Lee Hallyday passionné de Jazz, l’a connu au Mars Club, rendez-vous du Jazz dans le quartier Champs Elysées (rue Etienne). Lee était un pilier du Mars club, où il emmenait les musiciens de Johnny après les concerts. Lors de l’Alhambra où la vedette est Raymond Devos (septembre 60), Johnny est malmené par les critiques, Lee fait appel à Marc Hemmler pour jouer au Piano, et au premier guitariste de Johnny : Jean Pierre Martin, vieille connaissance de Marc, derrière le rideau c’est l’orchestre de Michel Magne.

Marc Hemmler natif de Genève, fit ses débuts dans les cabarets de la ville dirigé un temps par Calvin. Marc Hemmler dispose d’une solide formation classique puis jazz, puis il s’est rodé dans les boîtes : il joue du tango, toutes les musiques à danser, organiste et pianiste, il vient naturellement au Jazz. En 1960, il monte à Paris à Saint Germain des Prés où en plus du jazz, il accompagne Ricet-Barrier, Anne Sylvestre, Pierre Etaix, Bobby Lapointe. Plus tard Il jouera notamment avec Stéphane Grappelli, Nougaro qu’il accompagne et pour lequel il compose : » tu verras », Ray Brown, Guy Lafitte, Marcel Bianchi, Marcel Zanini (Jazz à Saint Germain). (7).

 

Belloni et Zanini

Chez Vogue Lee forme le premier groupe de Johnny : les Golden strings au cours de l’année1960 : Claude Horn, soliste, Jean Pierre Martin, rythmique rejoints par Antonio Rubio, Louis Belloni.

En juillet 1961, Johnny signe chez Philips. La tournée d’été est difficile. En septembre 1961 Lee Hallyday décide de renforcer le groupe de Johnny, il lui faut un pianiste, organiste et un saxo, Il engage Jean Tosan puis durant de l’automne 1961 Marc Hemmler.

Jean Pierre Martin et Claude Horn quittent Johnny Hallyday (dernières séances novembre 4. Au 16.11.1961 studio Blanqui Paris), ils restent chez Vogue et accompagnent notamment les Copains. Lee Hallyday forme un nouveau groupe les Golden Stars et dont il dépose le nom dès Janvier 62. Ils font leurs premières séances le 15.01.62. Les Golden Stars se composent de : Claude « Robbins » Djaoui, Marseillais, guitariste de jazz (1936-2010), il rejoint ses copains marseillais Louis Belloni, batteur de jazz, et Antonio Rubio, bassiste, Jean Tosan, saxo ténor, et Marc Hemmler au piano.

« Dès mon arrivée à Paris en septembre 1961, à côté de Johnny, je travaille notamment pour Long Chris en enregistrant « Les tableaux », disque rarissime où Long Chris déclame des Poèmes et notre trio improvise (Rovere, Barrani et moi) sur un fond de musique sérielle en accompagnant sur les poèmes (enregistré chez Philips). Paul Rovere a rejoint Petula Clark, Emile Barrani François Deguelt et Jacques Hélian. »

Au printemps 1962, Simone Tosan emmène les frères Roboly (Chats Sauvages) à la recherche d’un batteur, à l’Hôtel Royal à Nice. Là ils découvrent André Cecarrelli, 16 ans aux thés dansants. André joue tous les soirs et le week-end avec l’orchestre d’Aimé Barelli au Casino du Sporting Club de Monaco.

En janvier 1962 Lee Hallyday dépose le nom de « Golden stars ».

Votre rôle dans les orchestres de Johnny ?

« J’ai fait beaucoup d’arrangements, notamment pour grand orchestre lors le Gala de Johnny Halliday au Palais de Chaillot, Michel Legrand et son orchestre accompagnait Johnny. Michel Legrand m’a laissé la baguette j’ai dirigé l’orchestre pour mes arrangements. »

Lors de l’arrivée de la musique psychédélique, j’ai pensé que j’allais pouvoir mélanger Rock et musique expérimentale, mais malgré la promesse de Johnny de mettre un studio à ma disposition, cela ne s’est pas fait car Tommy Brown et Micky Jones ont refusé cette expérience, contraire à leurs intérêts.

Durant cette période Jean Tosan fait de nombreuses séances avec Eddie Vartan, et aussi des disques avec Long Chris, Vic Laurens, Les Lionceaux, Annie Markan, Lee Halliday dont il assurait la direction artistique.

En 1963 Jean Tosan accompagne Dionne Warwick avec des musiciens de Bernard Hilda, Arthur Motta à batterie, Alphonse Totole Masselier à la basse et Marc Hemmler, au piano, Marc swinguait parfaitement.

Simone

En 1953, j’avais rencontré Simone Marsan, et son frère, qui a sera un temps le chauffeur et secrétaire) de Johnny. Elle n’a pas encore 20 ans. C’est la femme de ma vie, nous sommes toujours liés comme au premier jour !

Nous nous marions en 1955. Grâce à sa sœur qui vit aux Etats unis, elle découvre outre atlantique dès 1960, Chubby Checker et les autres chanteurs américains et leurs tubes qui vont déferler sur le continent européen, après une escale à Londres. Simone apprend le twist à Johnny qui en fera un bon usage !

En 1963 nous avons un fils, Franck Jean Philippe, Johnny se proposa comme parrain.

En 1964 Simone travaille pour Sylvie Vartan et ce jusqu’en 1972. Elle participe à la fondation de par Claude Berda de ce qui deviendra A B productions !

1964-1965 :

En mai 1964, Johnny rejoint Trèves, où il fait son service militaire, jusqu’en août 1965.

D Rivers, J Tosan, B Kaufmann, T Harvey, B.Clarke

Durant cette période, j’ai accompagné Dick Rivers, comme chef d’orchestre sur scène, avec Bobbie Clarke, batterie, Tony Harvey, guitare solo, Dany Kaufman, basse et fait les séances de Dick pour Paul Piot arrangeur chez Pathé aux studios de Boulogne.

En 1964- 1966 vous avez joué avec Ivan Julien ? Quel souvenir gardez-vous de lui ?

« Un bon souvenir d’arrangeur, mais à l’époque de la folie du R & R, il était difficile d’avoir des échanges sur la musique, entre 1961 et 1966 la musique avait radicalement changé ».
Avec Johnny il a fait 6 Olympia : 61, 62, 64, 65, 66 et 67, le concert à la Nation, en 1963 et toutes les tournées en Afrique, Europe : Hollande, Londres devant la reine d’Angleterre lors de la Royal Performance, voir DVD de Johnny années 60 à 70.

Puis à la fin de la décennie 70, Jean Tosan rentre à l’Orchestre de Paris de musique classique, il travaille à la Bibliothèque et à la régie d’orchestre au théâtre des Champs Elysées, palais des Congrès, Pleyel et les tournées dans le monde entier. Il a monté les orchestres pour les plus grands chefs, comme Pierre Boulez. Il a ainsi pu rencontrer et parler avec Olivier Messiaen de ses expériences Jazzistiques dans le dodécaphonisme, de même avec Dutilleux, très intéressé, trop tôt disparu.

Jusqu’en 1991, Jean Tosan avec E. Barrani, son ami guitariste qui était également à la régie, ils ont fait un métier passionnant et fait des tournées inoubliables au Japon, Russie, Etats Unis, Allemagne.

Depuis 1991, Jean Tosan jouit d’une retraite bien gagnée, il revient à Nice et rejoue avec le pianiste Roland Ronchaud, ils font le bœuf avec Roger Guérin, l’un des grands trompettistes de Jazz décédé récemment. Il compose de nouveau, il en est à plus de 1000 ballades et enregistrées sur cassette. Il revoit les anciens de l’âge d’or du jazz, mais beaucoup sont décédés. Jean arrête de jouer après le décès de Roland Ronchaud. Ils sont tous décédés : Bibi Rovere, Barney Wilen, Just Tanzi, Charles Pontonne, Battes, Pierre Franzino, le fidèle Emile Barrani, et Paul Piguilhem, ainsi que Claude Djaoui, Gérard Gustin et Marc Hemmler.

Jean Tosan a trois passions : Simone, la musique et la BD.

La BD :

Jean découvre la BD alors qu’il n’a pas 10 ans. Il se passionne, collectionne les BD. Il les collectionne depuis l’âge de 12 ans. Avec Jean Boulet, Francis Lacassin, Roquemartine devenu Futuropolis d’Etienne Robral voir le BDM, il lance Johnny le journal de l’âge d’or. Clin d’œil à l’âge d’or de la BD américaine d’avant-guerre.

(2)http://www.bdoubliees.com/johnny/annees/1970.htm

Quelle définition donnez-vous de la BD

« C’est une narration en image, une bande dessinée se construit autour d’un scénario, de dialogues et d’images qui mettent en valeur l’histoire, comme le cinéma. Cela n’a rien à voir avec les caricaturistes : Plantu, Bretecher, Faizant, … »

La BD américaine a fait irruption en Europe en 1934, souvent, c’était des dessinateurs israélites qui avaient fui l’Europe brune en particulier Allemande, et s’étaient réfugiés aux Etats Unis, comme beaucoup de musiciens, en particulier les musiciens de l’école de Vienne. Les auteurs de BD donnèrent libre cours à leur inspiration jusqu’en 1949. La loi sur la censure met un terme à l’apport d’outre Atlantique : ». En matière d’illustrés, la Loi n°49 956 de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse instaura une Commission de Surveillance de la Presse des Jeunes dont l’un des buts (inavoué) était de favoriser la BD franco-belge (et française de préférence) au détriment de celle provenant d’outre-Atlantique. Le journal Donald disparut effectivement début 1953, mais il céda immédiatement la place au Journal de Mickey, seul périodique d’origine américaine toléré dans cette période de protectionnisme. »

Anne Crétois, Université de Paris Panthéon replace cette loi dans son contexte historique : » à la fin des années 1930, éducateurs, ligues de moralité et dessinateurs ouvrent une violente polémique, reprise après la guerre et conclue en 1949 par l’adoption de cette loi ; loi devenue fameuse depuis, dans un climat de reconstruction morale du pays.

Cette loi avait deux objectifs : D’abord la moralité et accessoirement limiter l’invasion du marché français par une production massive (6). La moralité est toujours invoquée pour justifier la censure, et ce que Pierre Bourdieu définit comme « La distinction », « le capital culturel » la théorie des goûts des dominants ». La bande dessinée, comme la littérature, le cinéma comme le théâtre, la chanson et tous les arts populaires sont surveillés de près, ils sont considérés toujours chez les dominants comme un risque subversif, qui viendrait remettre en cause les valeurs dominantes, leur domination économique et politique.

A toute chose malheur est bon, cela permit la naissance de L’école Belge relance avec Hergé la bande dessinée, avec Tintin, Spirou…avec l’école italienne. Puis viendront les français Uderzo-Goscinny, avec Pilote.

« L’avant-guerre » 1930-1941,c’était l’âge d’or outre atlantique , la période artistique et de création(3) a : Harold Foster et ses héros : Tarzan, Prince Valiant, (1929), Clarence Gray et Luke Bradefer « Brick Bradford »,(1933), Alex Raymond et son héros Guy L’éclair, Phil Davis et Mandrake, (1934), Lee Falk et Ray Moore :Le fantôme (1936), Jerry Siegel et son Superman (1938), Bob Kane : Batman ( 1939)…En France : L’avant-guerre c’était Le Rallic publié dans Tintin, Le pèlerin, la cavalière du Texas, Yan Keradec, les premières aventures de Flic et Piaf, René Giffey avec Fillette…Dans les kiosques apparaissent les bandes dessinées : Hurrah, le journal de Mickey (1934), Robinson (1936), Hop la, L’aventureux, Aventures, Jumbo , mon camarade, Gavroche, Cœurs Vaillants, l’audacieux, l’As…

Après-guerre arrivent : Bernard Chamblet dans le maquis, « à la libération, en mission au pays jaune, Teddy Bill défenseurs des frontières) e , René Giffey est de retour ,le Régiment, les aventuriers du ciel, Dédé Loupiot contre les boches, Cinq mars d’après Alfred de Vigny, les compagnons de Jéhu d’après Alexandre Dumas), René Brantonne (1903-1979: Fulguros, Johnny Speed, Praline, Buffalo Bill, Le petit shérif, restera dans l’histoire comme le dessinateur de science-fiction(4) ; Fréderic Delzant dit Eric (journal de Tintin), Wen, Tetfol, le maître des brumes)

Après 1949 ce sera Pierre Mouchot dit Chott (Fantax), Rola (école belge Spirou, Boule et, fantasio, La Ribambelle). C’est dans la décennie 50 que les BD élargissent leur lectorat en publiant des albums et prennent place dans les librairies : Blake et Mortimer : la Marque jaune (1950), de Moor : Cori le moussaillon (1951), Jijé avec Jerry Spring (1955) Tintin, Franquin et Greg Spirou Z (1950), Peyo les Schtroumpfs (1959) Graton Michel Vaillant (1959) ….

1967 Jean Tosan fonde » le journal de Johnny « avec Alain Swart, après l’échec du journal « Chèvre chou », le siège est rue Godot de Mauroy dans les bureaux de l’Olympia, puis « le journal de l’Age d’or », la parution s’arrête en raison des évènements de 1968, qui ont bouleversé l’édition avec l’apparition de journaux de caricatures politiques. Néanmoins Jean Tosan continue à satisfaire sa passion de la BD en en collectionnant les cartonnages de 1850 à 1970 et la Bd de 1934 à 1960, les maquettes de train, l’art russe et les Icones des XVIII et XIX du monde entier.

Jean Tosan continue à chercher livres et BD l’hiver à Paris faisant les foires comme celles de Georges Brassens dans le XV°, et avec son épouse ils passent l’été à Nice cours Soleya

Jean aime écouter du jazz Gil Evans, Lee Konitz, Eric Dolphy, mais aussi Boulez et les autres grands de la musique contemporaine.

Le grand regret de Jean Tosan : « mon petit fils Alexandre Joseph Tosan ne profite pas des connaissances musicales, que je pourrais lui transmettre, considérées comme inutiles à notre époque où tous les arts sont tirés vers le bas »

 

J. Bachèlerie 3 avril 2012


1/ La ville de Toulouse avait acheté en 1901, aux Pariers du Moulin du Château, la partie de leur propriété « livrée à l’agriculture », et envisageait la possibilité d’y créer un parc-promenade, une sorte de « Bois de Boulogne-Toulousain », sur un ensemble d’île : Empalot, Ramier. Le Palais des Congrès, y fut édifié en 1906 dans la même Prairie des Filtres. En 1930 naissait le Parc Municipal des Sports, conçu par son entrepreneur « Les Charpentiers Toulousains » fut adopté, l’actuelle Piscine Alfred Nakache. (1928) et le stadium 1936 ainsi que la cité universitaire.

1/ Arnold Schönberg , la seconde école de Vienne, en référence à la première école de Vienne des Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig van Beethoven et Franz Schubert. Source Wikipédia.

2/ Jazzoflûte ou flûte à coulisse, instrument utilisé pour bruiter des films ou documentaires.

3/ Paul Bibi Rovere : musicien de jazz Prix Django Reinhardt académie du jazz 1967,
Musicien de studio années 60-90,

4/ Clifford Brown, Wikipedia

5/ « Selon Jean-Louis Comolli, Eric Dolphy est dans l’histoire du jazz un « passeur ». En effet, ce multi-instrumentiste est un des musiciens qui ont rendu possible le passage du be bop au free jazz en cassant le cadre du « solo tonal » et en tournant définitivement le dos au « beau son ». C’est également l’un des premiers jazzman à s’être détourné du thème, et notamment à penser l’improvisation de manière indépendante d’un thème » Wikipedia

7/ Club des années 60 numéro 50 janvier 2011.

8/ voir http://www.bd-anciennes.net/agedor/sommaire-age-dor.php

9 /René Brantonne Wikipedia

10/ Anne Crétois : http://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2003-1-page-55.htm

« … Ces groupes de pression avaient alors réagi à l’apparition massive dans la presse enfantine française de bandes dessinées américaines et de leurs plagiats anglais, italiens ou yougoslaves, qui introduisaient des récits jusque-là à peu près absents de la figuration narrative européenne : histoires policières, fantastiques, exotiques… Destinées à tous les publics aux États-Unis, et non pas seulement aux enfants comme en France, elles cultivaient un naturalisme violent et une sensualité avouée.»

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