Au début des années 60 trois jeunes adolescents décident de partager leurs goûts musicaux et de former un groupe. Au départ un batteur Luc et un pianiste Patrick se lancent dans les surprise-parties, ils sont rejoints par un bassiste, Patrice, puis un chanteur guitariste Jacques. Le groupe est né, ils ont tous entre 16 et 18 ans.
Tout a commencé comme le relate Jacques Guien, le chanteur guitariste, en 1959, il avait 16 ans, des parents hôteliers, il faisait ses classes dans un des palaces cannois le Carlton. Lors d’une réception donnée en l’honneur du mariage d’un de ses collègues, il y a eu une petite fête avec un orchestre. Ses collègues l’encouragent à monter sur scène pour pousser la chansonnette. A l’issue de la réception le batteur Luc Bonne Bonnetto lui indique qu’avec des copains il monte un groupe et qu’il serait bienvenu. « Nous connaissions bien le rock car les Américains avaient une base à Villefranche-sur-Mer et faisaient souvent escale à Cannes, apportant leurs disques, que l’on retrouvait dans les juke box. Ma musique favorite à l’époque, : le jazz New Orleans et, puis le rock. Mon père m’a encouragé, car il avait un goût artistique refoulé et j’ai un peu réalisé ce qu’il aurait aimé faire. Il nous a aidés à acheter le matériel et le minibus ».
C’est ainsi que début 1960 le groupe prend forme et se nomme les Fougas, comme les fameux avions de l’armée française. Patrick Logelin , fils d’un agent immobilier et d’une enseignante, est à l’orgue cymbalaire Hofner, qu’il a couplé avec deux chambres d’écho. Patrick a pris des leçons de piano et de solfège. Luc Bonnetto a appris tout seul la batterie sur une caisse claire. Patrice Portal le bassiste est aussi autodidacte, il a appris depuis quelques années à jouer de la guitare puis de la basse, tout comme Jacques qui aime chanter en s’accompagnant à la guitare.
A cette époque il y a des milliers de groupes qui se sont formés aux quatre coins de l’hexagone, les maisons de disques font leur marché, elles organisent comme Président des concours. A l’été 1962 Président et Télé Monte-Carlo organisent dans les studios de TMC à Monaco un concours, le premier prix est un disque chez Président. Chaque concurrent joue un instrumental et chante une chanson. Jacques se souvient que l’instrumental imposé par les organisateurs était Guitar Boogie. Résultat les Fougas remportent le concours et le droit d’enregistrer un disque.
En prime, ils font quelques galas sur la côte. Et se prépare à monter à Paris début 1963 pour enregistrer le premier disque. Arrivé à paris, ils répètent soit dans les studios de Président soit chez Europasonor. Là il recrute un guitariste : Richard Geshner, un franco-américain, qui a fait le conservatoire à Cannes. Il a le même âge que ses compagnons et la même culture méditerranéenne.
Après avoir sélectionné les morceaux, trois compositions instrumentales de Patrick Logelin : TV d’Antibes, Kamarade, et Along the croisette, Jill et Jan, paroliers et compositeurs de Johnny Hallyday, leur composent le temps des Juke Box.
Entre temps le directeur artistique de Président leur demande de changer de nom, ils cherchent et une idée leur vient les Schtroumpfs.
Pourquoi ?
Jacques Guien : « Patrick Logelin était un fou de bandes dessinées, il lisait avidement les Schtroumpfs et employait souvent le mot schtroumpf dans la conversation, ça va schtroumpfer ». Comme le nom était déposé, une rencontre est organisé avec Pierre Peyo le dessinateur bruxellois et créateur des Schtroumps, il assiste à une répétition des jeunes cannois. Séduit, il accepte de leur accorder l’utilisation du nom des Schtroumpfs, sans contre partie. Il a sorti dans la foulée Les Schtroumpfs musiciens qui raconte un peu leur histoire.
Le disque fait, nos jeunes cannois restent à paris pour jouer dans les boîtes et les clubs, ils font ainsi la découverte du Golf où ils passent, ils sympathisent avec Henry Leproux qui apprécie leur professionnalisme. Dans la foulée ils passent au Théâtre de l’Européen à la même affiche que : Samson et les Phéniciens, Hector, Billy Bridge les Mustangs..
Les Schtroumpfs sont de vrais pros, ils se sont inscrits au conservatoire pour apprendre le solfège, se sont équipés d’un matériel Hofner, ampli Garen avec l’aide de leurs parents. A Paris, Ils se lient avec un marseillais importateur de matériels : ils achètent à prix d’ami ampli Vox, Ampec, Fender, un piano Fender, une basse Fender, une Gibson et une batterie Gretsch et en échange font de la pub pour l’importateur. Ils disposent d’une camionnette pour transporter tout le matériel et ont un répertoire bien rôdé.
Président leur propose alors un contrat de 5 ans et dans la foulée ils vont sortir deux 25cm.
En 1964 ils font leur première tournée en première partie de la tournée d’Eddy Mitchell accompagné par son nouvel orchestre où figurait Jacquot et sa Gretsch. Les Sparks ont aussi accompagné Jacques Dutronc, qu’ils ont connu lors des tournées avec Eddy Mitchell, ils le connaissaient comme Jacquot le guitariste, il rentrait juste du service militaire. Comme il était réservé, Evelyne Langeais, manager d’Eddy l’a écarté. Ils sont restés en rapport avec lui. A la rentrée, ils voient la pochette du disque « Et moi et moi » et ils reconnaissent Jacquot. Ils l’appellent, cela tombait bien, il cherchait un groupe pour l’accompagner. Ils ont fait leurs premiers galas à Menton. Mais comme ils étaient déjà les accompagnateurs de Romuald et de Jacqueline Dulac, ils n’ont pas pu continuer avec Jacques Dutronc. Il a alors formé son groupe avec son copain Kalafate. Ils accompagnaient Romuald depuis la tournée avec Eddy Mitchell et sont restés ses accompagnateurs pendant prés de 3 ans. Puis ils rencontrent Jacqueline Dulac qui constate que les Schtroumpfs peuvent jouer différentes musiques et ils l’accompagnent également.
Jean Bachèlerie (18 janvier 2004).
Mes remerciements à Jacques Mercier, Georges Rodi, Jacques Guien, Lucien Bonetto, Pierre Chialvo.
Interview
Vos goûts musicaux à l’époque ?
Jacques : nous aimions bien les Chaussettes Noires, le Spencer Davis Group, le R & B, et notre groupe culte c’était Booker T & The MG et aussi the Markeys. Aujourd’hui j’aime bien Clapton, Mark Knoepfler.
Luc : Les Beatles ont beaucoup apporté à la musique, nous avons même eu la chance de les voir à L’olympia. Coté musiciens Buddy Rich et Gene Krupa sont des maîtres.
Georges Rodi : Ray Charles et ses héritiers : Otis Reding, Stevie Wonder, ainsi que Joe Cocker, Aretha Franklin, Hendrix, Herbie Hancock, Eddy Louiss et les Beatles. J’ai toujours conservé le goût leur musique.
En 63-64 on a joué tous les jeudis matin, pendant un an pour Jeunesse Cinéma, magazine, qui offrait à ses lecteurs une matinée musicale à l’Olympia.
Jacques : En 1964 le groupe a évolué, car Patrick Logelin, le leader de fait, lors d’une de ces matinées a provoqué un incident, l’organisateur nous a demandé de jouer un morceau de plus, Logelin a voulu jouer un de ses morceaux, nous avons refusé et joué un autre morceau, sur scène ce fut la cacophonie. Dans les coulisses notre bassiste a eu une altercation avec Patrick Logelin et nous l’avons viré. Nous l’avons laissé là avec son matériel. Son père était ami avec un directeur artistique de chez Vogue et il est parti chez Vogue, où il a fait deux disques. Depuis quelques années nous ne savons plus ce qu’il est devenu, un temps il a joué du piano-bar à Cannes, puis il a disparu.
Nous avons recruté un pianiste-organiste du midi, Poidomani. A ses débuts il avait joué un peu avec les Chats sauvages puis d’autres groupes niçois.
Lors d’un gala à L’Alhambra avec Gene Vincent, Vince Taylor, et autres, nous avons modifié notre répertoire pour mieux coller à l’auditoire. Cela a provoqué l’ire de notre directeur artistique de Président, qui voulait que nous jouions ce que nous avions enregistré. Alors nous avons rompu le contrat et payé un dédit.
Là nous sommes allés chez Barclay, nous avons fait une maquette, et le directeur artistique était favorable à un contrat. Mais il a eu problème avec Barclay, les a quittés. Résultat nous sommes allés chez Pathé Marconi, présenté par une chanteuse que nous avions accompagnée. Nous avons obtenu un contrat et du changer de nom, nous sommes devenus les Sparks. C’était en 65.
Parmi les chanteurs que nous avons accompagné, il y a eu aussi Danny Boy, lors du premier gala en Normandie dans un casino, l’affiche présentait Danny et ses Pénitents. Nous ne portions pas de cagoules, le directeur voulait nous l’imposer, finalement Danny a réglé le problème et nous avons joué sans cagoule. Cela a très bien marché, nous avons même du faire une demi-heure de plus.
Nous avons aussi accompagné Jacky Edwards le compositeur de keep on running et somebody help me du Spencer Davis group, et une fois Vince Taylor.
Les mouvements de personnel ?
Après le départ de Logelin, Poidomani n’est resté que quelque temps. Nous avons parlé de notre recherche à Henry Leproux, il nous a présenté un pianiste, cheveux courts et lunette, qui jouait fort bien, mais dont le look ne cadrait pas, son prénom était Pierre. Nous ne l’avons pas retenu. Il s’agissait de Pierre Papadiamandis qui depuis a fait son chemin avec Eddy Mitchell !
A Cannes nous connaissions Georges Rodi et sa famille, nous lui avons demandé de nous dépanner quelques semaines.
Quand as-tu commencé à jouer ?
Georges : un peu par hasard, ma mère m’ayant mis chez une prof de piano du quartier. Ma première émotion musicale, ce fut Ray Charles « the Genius », il mêlait soul et jazz. Je devais avoir douze ans, le solfège, c’était plutôt ma prof qui le lisait et moi qui jouais…
A quel âge as-tu débuté en public ?
Georges : A 15 ans, j’avais du demander une autorisation pour pouvoir jouer dans un club le soir !
Ton premier groupe ?
Georges : Les Guns. Le bassiste Patrice Portal nous a quittés devant l’insistance de ses parents, ils voulaient qu’il devienne kinésithérapeute. Il a été remplacé par Pierre Chialvo qui lui aussi était cannois. A la fin il nous a quittés et a été remplacé par Jean Grevet, qui depuis a émigré au Texas.
Pierre Chialvo est devenu musicien par hasard, même si sa mère aimait la musique et l’a encouragé. C’est Paul Anka qui le premier a éveillé son intérêt pour le rock.
Comment cela a commencé ?
Pierre Chialvo : Une guitare traînait à la maison et je me suis lancé. Je n’ai pas appris le solfège de suite, je jouais d’oreille, j’avais 12 ans. Mon premier groupe fut, normal pour un provençal, les Aiglons. Après ce furent les Funny Boys. Nous jouions dans les boîtes de nuit de la région de Cannes et Nice qui accueillaient les militaires américains en escale. J’ai enregistré à titre privé Johnny Guitar. J’ai rejoint les Schtroumpfs fin 63, avec lesquels j’ai fait le dernier disque.
Tes musiciens et chanteurs(ses) préférés ?
Pierre Chialvo : Le Rhythm and Blues, Booker T, Sam & Dave, Otis Redding, Ray Charles, James Brown, King Curtis, Little Richard et aussi les Beatles, Presley, Georges Brassens, jacques Brel et les guitaristes de Jazz moderne. J’aime toujours cette musique et continue pour mon plaisir à jouer de la guitare. Je joue avec un ami d’enfance devenu professeur et directeur d’une école de musique, et trois autres copains, on joue du Jazz.
Les Sparks ?
Pierre Chialvo : Nous jouions du R & B, nous sommes souvent passés au Golf Drouot, et nous faisions beaucoup de scène et accompagnions, Romuald, Jackie Edwards, Joselito, Geno Washington et Jacqueline Dulac.
Qu’es-tu devenu après les Sparks ?
Pierre Chialvo : J’ai fait deux mois d’armée, puis j’ai rejoint un orchestre de danse dans un dancing cannois. Nous faisions aussi des soirées privées pour des personnalités, le Lyon’s club…
Quand as-tu arrêté, ?
Pierre Chialvo : A la fin des années 60, je me suis lancé dans la décoration, ce que je fais encore aujourd’hui.
Coté guitariste Richard Geshner nous a quittés et fut remplacé par Jacky Gouapel, qui est malheureusement mort quelques temps après d’un accident de circulation. C’est alors que Bernard Photzer, qui avait joué avec différents groupes (Jean-Pierre et les Rebelles, les Charlots..) et Hugues Auffray.
Bref tout marchait bien jusqu’aux évènements de 1968, nous venions de signer un contrat pluriannuel pour faire l’animation musicale au Club Méditerranée, nous avions aussi un contrat avec Sylvie Vartan pour une tournée en Amérique du sud. Tout est tombé à l’eau.
Par ailleurs nous faisions plus de studios, là aussi tout s’est arrêté. Luc a reçu une offre de jouer avec Antoine, il est parti. Puis fin 69 on ‘est séparé chacun a suivi son chemin : Georges Rodi est allé accompagner Dutronc, bientôt rejoint par Luc. Willy Lewis l’a remplacé quelques temps.
Georges : Après Dutronc, j’ai travaillé avec Mort Shuman, France Gall, Véronique Sanson et fait beaucoup de studio, j’ai été un des premiers à m’intéresser aux synthétiseurs, puis j’ai travaillé une vingtaine d’année avec Gabriel Yared.
Entre temps je m’étais marié et je suis rentré à Cannes, j’ai repris du service au Carlton. En 71 j’ai essayé de redémarrer en passant un mois à paris, mais les contacts avaient disparus et j’ai définitivement décidé d’arrêter.
Aujourd’hui j’aime bien Céline Dion, et pas d’autres chanteurs et chanteuses.
Pierre Chialvo : Je trouve la musique d’aujourd’hui trop artificielle, il y a trop de synthétiseurs, un manque de naturel, de spontanéité et de tripe.
Un regret ?
Jacques : »nous n’étions pas assez surs de nous, ne savions pas nous vendre, pousser les portes. Nous étions très pro et nous pensions que cela suffisait. Ce qui faisait notre force ».
Luc : » c’est vrai, nous pouvions jouer tous les genres de musique, nous pensions que cela nous permettrait de rester dans le circuit. »
Georges :de ne pas avoir appris à bien lire la musique
Que sont devenus les Schtroumpfs / Sparks ?
Jacques : Après l’hôtellerie, j’ai pris ma retraite, j’aime toujours la musique et ma région natale.
Pierre Chialvo : je suis décorateur au Cannet. Marié nous avons deux filles. J’aime aller pêcher, faire de la moto et la musique.
Luc : je suis resté dans la musique, je donne des cours et joue toutes les musiques.
Georges : J’ai installé mon arche de Noé dans le Lot depuis une dizaine d’années et je joue avec un groupe du coin qui se nomme Vie Privée.
Nous sommes sans nouvelles de Patrick Logelin et Richard Geshner.
Patrice est kiné à Marseille.
Discographie (60)
- (Pas de titre) (Pr‚sident EP 333)
TV d’Antibes / Kamarade / Along the Croisette / Le temps des juke-box. - (Pas de titre) (LP KV 47)
Ca va Schtroumpfer / Kamarade / TV d’Antibes / Antique Zschtroumpfs. - (Pas de titre) (LP KV 48)
Schtroumpf theme / Along the croisette / Meteor special / Val de Cuberte / La nage des Schtroumpfs. - Au temps du Juke Box (LCD28-2)
Météor spécial * / Boom Twist ** / Faire le grand Voyage ** / Nos ennemies chéries ** / Ils sont trop jeunes ** / Yé yé ** / Si la chanson ** / Le temps des Juke box** / Les jeunes ** / C’était en aout **.
Avec Patrick LOGELIN : Mr Moto / Sha La La / Encore merci / Non je ne veux pas / Tout mon temps / Encore une fois danse avec moi.
* Composé par Albert Raisner
** Composés par Jil et Jan
A commander … Juke-Box Magazine, 54 rue St-Lazare, 75009, Paris
Site WEB : http://www.jukeboxmag.com
Discographie (CD)
- Complete 60’s instrumental (Magic Records 3930228)
T.V. d’Antibes / Antique Schtroumpfs / Venez Schtroumpfer /Kamarade / Salut les Schtroumpfs / Schtroumpfs Theme / Along the Croisette / Meteor Specia / Val de Cuberte / La nage des Schtroumpfs. - (Pas de titre) (Magic Records 3930079)
T.V. d’Antibes / Kamarade / Along the Croisette / Le temps des juke Box. - Au temps du Juke Box (Juke-Box Magazine LCD28-2)
Météor spécial (1) / Boom Twist (2) / Faire le grand Voyage (2) / Nos ennemies chéries (2) / Ils sont trop jeunes (2) / Yé yé (2) / Si la chanson (2) / Le temps des Juke box (2) / Les jeunes (2) / C’était en aout (2) / Mr Moto (3) / Sha La La (3) / Encore merci (3) / Non je ne veux pas (3) / Tout mon temps (3) / Encore une fois danse avec moi (3).
(1) Composé par Albert Raisner
(2) Composés par Jil et Jan
(3) Avec Patrick LOGELIN
A commander à :
Juke-Box Magazine
54 rue Saint-Lazare
75009 Paris
http://www.jukeboxmag.com