The MARKEYS (USA)

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De Last night aux Blues Brothers en passant par Booker T. & the MG’s
 

Pour beaucoup d’entre nous The Markeys, c’est « Last Night », qui fut aussi l’indicatif de l’émission « Salut Les Copains ». Ce rythme saccadé, ce mélange de guitares, d’orgue et de saxo nous ont fait vibrer et sont restés à jamais gravé dans notre mémoire musicale.

Qui étaient The Markeys ?


C’étaient des musiciens de studio de Memphis qui ont percé avec ce titre symbole « Last Night ». Le groupe fut formé en 1958 et s’appelait the Royal Spades (les Piques Royales). Il y avait Steve Cropper, 16 ans, à la guitare, Donald « Duck » Dunn à la basse, Jerry Lee Smoochie Smith à l’orgue, Don Nix au saxo baryton, Charles Packy Axton au ténor, Wayne Jackson à la trompette et Terry Johnson à la batterie. C’étaient de jeunes blancs aimant la musique noire.

La mère de Packy Axton, Estelle et son frère Jim Stewart, un employé de la First National Bank à Memphis, avaient créé le label Satellite en 1960 pour enregistrer de jeunes talents. Ils ont débuté en enregistrant Rufus Thomas et sa sœur Carla Thomas. Les Royal Spades, devenus the Markeys, étaient les accompagnateurs incontournables de ces séances. Puis un jour ils enregistrent un morceau de Chips Moman, directeur artistique de Satellite. Nous étions en 1961 et ce morceau devint le tube instrumental de l’année atteignant la 2ø place du hit-parade, coiffé seulement par le tube de Bobby Lewis « Tossin and turnin ».

Ce tube sortit Satellite de l’anonymat et plaça la marque de disques sous le feu des projecteurs. De plus ce son saccadé, mélange de guitare, saxo, orgue et une batterie puissante, créa le son de Memphis. Cela deviendra la référence pour la musique soul dans les sixties. Le succès obligea Satellite a changer de nom, car une maison Californienne avait l’antériorité. Satellite devint Stax/Volt. Le nom de Markeys fut donné par Estelle Axton en référence au toit voyant en forme de chapiteau de l’immeuble où était logé le studio d’enregistrement, dans les locaux d’un ancien théâtre.

The Markeys ont poursuivi leur aventure en enregistrant « Popeye stroll », repris par Les Drivers en France, « Morning after » (62ø), et « Philly dog » (66ø), une version très rythmée de « The Dog » de Rufus Thomas. Cependant, malgré la qualité de ces titres et de leurs enregistrements, les Markeys ne remonteront plus au top 40.

En 1962 le talentueux Steve Cropper rejoignit un autre groupe avec Donald Dunn, ce groupe comprenait Al Jackson Jr à la batterie, et l’organiste Booker T. Jones, ils devinrent Booker T and The MG’s (Memphis Group), les nouvelles vedettes du label Stax/Volt.

Stax/Volt lança un nouvel artiste en la personne d’Otis Redding. The Markeys et Booker T. & the MG’s allaient l’accompagner dans ses tournées. C’étaient les musiciens de ce qui est maintenant connu sous le nom légendaire de Stax Soul Revue, le son Stax, accompagnant des vedettes comme William Bell, the Thomases, Otis Redding, Sam & Dave. Des petits labels comme Stax à Memphis et Fame Music, en Alabama, dirigé par des néophytes employant des musiciens blancs, ont réussi à produire une révolution musicale connue sous le nom de Soul Music. The Markeys ont joué à cet égard un rpôle fondamental dans la touche qu’ils ont apporté à ce nouveau genre musical.

Wayne Jackson, le trompétiste rejoignit le saxo Andrew Love et le baryton Floyd Newman, pour former les Memphis Horns, et ils devinrent un groupe de musiciens de studio réputé. Paky Axton quant à lui a formé The Packers, qui ont eu en 1965 un succès au son très Markeys, « Hole in the Wall ». Don Nix fit une carrière solo et devint un compositeur et un producteur de disques, produisant Jeff Beck, John Mayall, et Delanney & Bonnie Bramlett.

Puis avec la fin des années 70 Steve Cropper et Donald Dunn sont recrutés par The Blues Brothers, qui étaient formés par des admirateurs du son Stax/Volt : John Belushi et Dan Aykroyd. C’est ainsi qu’on peut voir Steve Cropper et Donald Dunn dans le film « The Blues Brothers » et les entendre briller sur la bande sonore dans leur rôle de prédilection d’accompagnateurs.
Entre temps il y avait eu Booker T. & The MG’s.

En 1962 Steve Cropper quitte the Markeys, il ne va pas loin, il reste dans l’écurie Stax/volt et rejoint un nouveau venu, Booker T. Jones, de Memphis, , dont le père était enseignant au Collège. Booker T. Jones, est un jeune prodige musical, il maîtrise la clarinette, le trombone, et le hautbois, avant de s’établir définitivement à l’orgue ! A 16 ans il auditionne chez Stax et est engagé sur le champ pour jouer du saxo baryton, sur le premier petit tube de Stax : « Can I love you » de Rufus et Carla Thomas.

Les deux jeunes voulaient jouer avec un musicien expérimenté, le batteur Al Jackson, connu sous le surnom de parrain du temps, un véritable métronome, pour sa précision, il venait de l’orchestre Willie Mitchell’s de la maison de disques Hi, avec eux il y avait un autre musicien de cet orchestre réputé, le bassiste Lewis Steinberg.

En juin 1962 le quatuor vient de terminer une séance pour Billy Riley de chez Sun, alors ils se mettent à faire un bœuf improvisé. L’ingénieur du son est captivé par le morceau qu’ils jouaient. Un blues rythmé avec un phrasé répétitif, ils l’appelèrent « Green onions », car c’était un morceau un peu rude, Cropper et Jones le travaillaient depuis quelque temps, ainsi qu’un autre morceau plus dansant, plus dans le style de Jim Stewart. Il suggéra de changer le titre, c’est ainsi que le second morceau devint « Green onions » au lieu d’être « Behave yourself » (« Tiens-toi bien »).

« Green onions » perça presqu’aussi bien que « Last Night », atteignant la 3ø place du hit-parade. Le point commun des deux morceaux était la partie à l’orgue, que Booker T. Jones joua à l’orgue plutôt qu’au piano, car cela sonnait mieux, avec la guitare mordante de Steve Cropper, bien soutenue par une excellente section rythmique, avec la précision de Steinberg, et les frappes impeccables d’Al Jackson. C’était de la soul music, nette et bien léchée. Le groupe décida de s’appeler the MG en référence à la voiture de Chips Moman, le directeur artistique. Mais la société MG n’apprécia pas du tout, ne voulant pas voir son image associé au R n R, alors le groupe s’appela the MG’s : Memphis Group !

Au début des années 70 Booker T. and the MG’s étaient l’orchestre le plus demandé de Stax, publiant une douzaine d’excellents albums et une vingtaine de simples qui firent presque tous leur entrée au hit-parade. Jones était le leader, avec son jeu à l’orgue qui retenait l’attention du public et des auditeurs. Il jouait un peu à la Jimmie Smith en retenant un peu les notes pour ajouter en intensité, mais son style tenait surtout à son sens subtil du rythme, totalement original.

Cropper avait son jeu flamboyant, qui prenait modèle sur Lowman Pauling, le guitariste des Five Royals. Il porta la technique du mordant pour l’enflammer à des hauteurs inconnues. Son jeu aiguisé créait une certaine atmosphère faite de tension qui parfois était presque subliminale. Sa précision comme celle de tous les MG’s était aussi fameuse que son jeu, qui pouvait aller du style presque doux au plus brut, comme on peut l’admirer dans « Soul Dressing ».

L’arrivée de Donald Dunn ajouta à la complicité entre la basse et la solo.
Ce quatuor formait un groupe formidablement soudé, jouant avec un tel sens du contrôle et de l’économie, que chaque riff de guitare, passage de batterie, montée de l’orgue apparaissait comme s’insérant naturellement. Ils avaient un tel sens du rythme et une telle précision que leur musique est toujours autant appréciée aujourd’hui que dans les années 60.

En plus Booker T. & the MG’s étaient plus qu’un groupe soul instrumental, ils ont jouaient sur d’innombrables enregistrements de Stax, ont arrangé, voire composé des morceaux pour Wilson Pickett et Otis Redding pour ne parler que des plus connus.

Jusqu’en 65 The MG’s n’auront pas de gros tubes, malgré d’excellents morceaux comme « Jelly bread », « Chinese Checkers », « Soul dressing », « Can’t be still », « Red beans and rice », ou encore « Big Train » qui succéda à « Last night » comme indicatif de « Salut les Copains » en 1963.

Ce n’est qu’en 65 que Boot Leg rentra dans le top ten. Le groupe avait été rejoint par Donald Dunn, succédant à Lewis Steinberg en proie à des problèmes d’alcoolisme. Le groupe était noir : Booker T. et Al Jackson et blanc : Steve Cropper et Donald Dunn.

Puis en 1966 Jones s’éloigna, passant une année à l’université à adapter des fugues de Bach pour l’orchestre de l’Indiana University. A son retour il avait acquis une maturité supplémentaire, et le résultat ne s’est pas fait attendre avec « My sweet potato » où il officie au piano dans le style jazz de Ramsey Lewis mais avec en plus une touche gospel. Le morceau atteint la place 85, et avec « Hip Hug her », ce fut le retour dans le top 40 en 1967, suivi de Soul limbo (17ø). Puis ils enchaînèrent les succès avec des reprises comme «  »Groovin » (21ø place), « Hang them high » (9ø) dans une version soul du théme du western de Clint Eastwood (« Pendez-les haut et court »). Puis ce fut « Mrs Robinson » (37ø) et « Something » (76ø) des Beatles, transformé par les riffs de Cropper et le jeu de Jones au piano. En 1967, le 10 juillet, ils passent à l’Olympia avec the Markeys, un CD live en retient l’essentiel

.5atlantic atcoBack to back The Mar-keys/Booker T & the MG’s.

En 1969 Jones composa la musique du film « Uptight » de Jules Dassin, puis ce sera « Time is tight » qui montera à la sixième place. Mais 69 sera aussi le commencement de la fin pour les MG’s. Stax, racheté par Gulf and Western n’offrait plus la même liberté à nos talentueux musiciens. Jones parti alors pour la Californie avec sa nouvelle épouse Priscilla Coolidge. Il signa chez A & M et produisit deux albums dont « Home grown » en 1972. Il joua encore sur des albums des MG’s en 1971 dont « Melting pot », que Stax ne trouva pas assez commercial. Cropper en eut aussi assez, il partit en laissant une fortune en royalties non encaissées. Jackson et Dunn restèrent tentant de relancer de nouveaux MG’s.

Puis Jackson et Dunn fondèrent leur maison de disque, qui fit faillite en 1975. On retrouvera Jackson assassiné à Memphis, chez lui avant le jugement de faillite. Sans Jackson, le cœur des MG’s, un nouveau départ était devenu difficilement envisageable. Il y eut bien une tentative avec Willie Hall des Bar Kays à la batterie. L’album « Universal Language » chez Asylum fut un échec en raison du manque de promotion.

C’est alors que Dunn et Cropper signèrent pour 3 ans avec the Blues Brothers. Les MG’s finirent par se reformer en 1988 pour le quarantième anniversaire d’Atlantic Records au Madison Square Garden, ils rejouèrent de temps à autre ensemble. Puis ce fut la tournée triomphale de 1993 en Amérique du Nord et en Europe avec Neil Young, pendant lequel ils regagnèrent leur titre de meilleur groupe de l’univers !

En 1994 ils firent un nouvel album « That’s the way it should be » avec Steve Jordan à la batterie, qui recrée bien l’ambiance des débuts en particulier dans « Slip slidin » et l’éternel « Green onions ».

Après plus de trente ans ils sont toujours le Memphis Group, les pères du son de Memphis.

Jean BACHELERIE

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